Dossier dirigé par Paul Aron.
Christian Dotremont (1922-1979) est certainement un des auteurs belges contemporains les plus étudiés par la critique. Son uvre poétique est parue chez un grand éditeur parisien (le Mercure de France), ses archives sont à présent déposées dans des collections publiques (à lIMEC et aux AML) et ses uvres picturales sont bien représentées dans les musées et dans les publications sur lart moderne. Cette médaille a toutefois un revers que lon pourrait appeler une hypertrophie du biographique. La connaissance de lhomme a en effet été facilitée par deux facteurs. Le premier est lexistence dune masse dinformations autobiographiques : agendas, correspondance, interviews, photographies ou films. Le second est lexistence de nombreux témoignages damis (ou danciens amis devenus ennemis), dadmirateurs ou de confrères. Ces deux facteurs sexpliquent aisément. Comme nombre dartistes de son temps marqués par le principe de transparence cher au mouvement surréaliste, Dotremont a fait de son parcours dartiste une sorte de mise en scène de son art, jouant de la correspondance, des hasards et des événements pour rendre compte de sa démarche intérieure. Un des traits de la « modernité » tient en effet à lexhibition du parcours du créateur et à la transformation de celui-ci en certificat dauthenticité artistique. Le relais par un groupe damis participe à la même logique. Dotremont nétait pas un artiste solitaire. Il a fréquenté ou animé de nombreux groupes. Une véritable « microsociété » lentoure, et même sans doute au fil des années, plusieurs « microsociétés » successives, un peu sur le modèle dune famille reconstituée. Et comme dans toute famille qui se respecte, avec des codes, des rituels, des fêtes anniversaires, des cadavres dans les placards
Ces deux facteurs se conjuguent pour produire autour de la personnalité du créateur tout un halo danecdotes qui fondent ladhésion de chacun à laventure commune. Ils renforcent de ce fait limportance du biographique et produisent inévitablement des polémiques sur la part de vérité que chacun peut prétendre détenir. La violence des réactions suscitées par le travail de Françoise Lalande, auteur dune biographie de lécrivain en 1998, est particulièrement révélatrice.
(Extrait de la présentation de Paul Aron)