On pourrait prendre pour image de la puissance suggestive qua lécriture de Tout est réel ici limpact de la musique sur les choses, lors de létrange concert auquel assiste Jacques : les manteaux de fourrure y redeviennent les animaux qui ont servi à les fabriquer, les objets dorigine végétale retrouvent leur existence de plantes, les sièges de la salle se transforment en arbres. De même, tout semble sanimer dans ce livre, par leffet des incessantes vibrations quy provoque lanalogie. Cette vitalité, la sensualité intense qui court à fleur de mot ne cesse de la renforcer : dune page à lautre ce ne sont que lumières palpables, frôlements des vagues, bouffées de chaleur dans la nuit ou gouttes de pluie sur la peau nue. Ou le vent qui passe entre les doigts et qui a la fraîcheur dune pomme. Le vent qui vient du large, qui appelle au large. Comme si écrire, ici, cétait souvrir aux quatre vents, franchir les frontières. Et tourner le dos à linerte et à la mort. (Paul Emond)
Paul Willems (Anvers, 1912-1997), écrivain et fils de lécrivain Marie Gevers, a été élevé dans le domaine enchanté de Missembourg, non loin dAnvers, dont lunivers na cessé de limprégner. Conseiller au palais des Beaux-Arts de Bruxelles (dont il fut jusquen 1982 le directeur-général), son activité dorganisateur culturel sera considérable, puisquil sera à la fois à lorigine des Jeunesses musicales, du volet culturel de lExpo 58 ou du Festival Europalia. Il a débuté en littérature comme romancier, et lon constate dès ses premiers livres, Tout est réel ici, LHerbe qui tremble, Blessures, une capacité rare à débusquer, derrière les faits les plus apparement anodins, des développements insoupçonnés. Il se révéla par ailleurs un dramaturge dune grande originalité, que la comparaison avec Maeterlinck ou lévidente filiation avec le romantisme allemand ne suffit pas à résumer. Fréquemment joué dans les pays germaniques, il obtint en 1966 le prix Marzotto, la plus haute distinction internationale qui puisse échoir à un auteur dramatique. Il succéda à sa mère à lAcadémie royale en 1977 et a été couronné en 1980 du prix quinquennal de Littérature française de Belgique.